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Avant qu’il ne soit trop tard

Publié le 1 mars 2019


Quand j’ai lu l’article “Énergie Saguenay : le projet de GNL Québec générera plus de 7 millions de tonnes de GES”, je n’ai pu m’empêcher de penser que nos gouvernements devraient y réfléchir à deux fois avant d’autoriser un tel projet. Comme l’écrit le journaliste, son existence “équivaut à annuler en une seule année l’essentiel des réductions d’émissions du Québec depuis 1990”. Sur 10 ans, ça représenterait la production annuelle de gaz à effet de serre (GES) de toute la province. Ça fait beaucoup pour une seule usine !

Autoriser un tel projet va totalement à l’encontre de l’avertissement du secrétaire général de l’ONU : qu’il nous reste moins de deux ans pour mettre en place les mesures nécessaires à nous éviter les conséquences catastrophiques d’un réchauffement climatique qui ne cesse de s’aggraver.

Mais voilà que ce matin, la directrice des communications de GNL vient dire que les affirmations de l’article sont fausses, et que le projet n’émettra que 420 000 tonnes de GES, que le chiffre de 8 millions se rapporte plutôt “à l’ensemble des émissions directes et indirectes relatives à toute la chaîne du gaz naturel […] tous les intrants qui y sont associés, de près ou de loin […] par exemple, des GES émis dans la construction […] des barrages qui permettent la production de l’hydroélectricité propre et renouvelable du Québec ! Des GES donc, déjà émis ou dont les émissions surviendraient de toute façon…”.

Qui a raison ?…

J’ai appelé Marc Brullemans, biophysicien du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste, qu’il m’explique un peu que je puisse y comprendre quelque chose.

“Tu as remarqué que le premier article était écrit par un journaliste en environnement, alors que l’autre vient de la directrice des relations publiques de la compagnie…”

- Ben oui, Marc, je le sais, mais c’est pas ça que je veux comprendre. C’est la différence entre les chiffres. De l’un à l’autre, c’est une différence de presque vingt fois le total. Il n’y aurait pas un milieu, mettons ?

“Écoute, le journaliste se base sur une évaluation faite par le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), qui est un centre international d’évaluation. Les chiffres qu’ils ont mis sur la table m’apparaissent même conservateurs, puisque les études démontrent qu’en général les émissions directes de l’usine, le 420 000 tonnes, représentent une portion négligeable des émissions totales. Si tu tiens compte de la combustion du gaz, c’est entre 40 et 60 millions de tonnes annuelles, et si tu ajoutes la phase de production du gaz, c’est entre 5 et 30 millions de tonnes. On voit bien que l’usine ne change rien à l’affaire !”

- Ben voyons donc ! Comment peut-il y avoir une si grande différence ?

“Parce que la réalité est la suivante : GNL Québec favorise la demande en gaz naturel issu de la fracturation, liquéfie ce gaz à distance, elle le met sur des navires-citernes à partir du fjord du Saguenay, et ajoute sur le marché d’importantes quantités de gaz naturel qui se transformeront inévitablement par la combustion en CO2 et autres GES. Il faut tenir compte de tout le processus : l’extraction, le transport, pis la combustion du gaz pour du chauffage, de l’électricité ou n’importe quoi d’autre. Tout ça produit des GES, pas seulement l’usine de liquéfaction. Et toute analyse du cycle de vie de ce gaz montre clairement que l’étape de la combustion est la plus dommageable pour le climat, suivie de celle de l’extraction du gaz naturel, et ensuite, dans une très moindre mesure, des étapes de la liquéfaction et du transport. Pis si tu ajoutes les pertes qu’il pourrait y avoir dans tout le processus, ça augmente encore le total des émissions.”

- Oui, mais attends un peu, là, tu additionnes des affaires qui n’arriveront peut-être pas, y’a rien qui dit qu’il va y avoir des pertes !

“T’as raison, on ne peut les calculer avant qu’elles arrivent, mais elles arrivent toujours, y’a rien qui soit étanche a 100 %. Au final, le total risque de dépasser beaucoup plus que 20 millions de tonnes. T’es pas obligé de me croire, mais sois assuré que le 7,8 millions de l’évaluation du CIRAIG concerne juste les premières étapes et non pas l’analyse de vie complète du gaz naturel !”

- Ouais, mais la madame dit que l’utilisation de ce gaz naturel va sauver 28 millions de tonnes de GES en remplaçant du charbon en Europe et en Asie !

- Es-tu en train de me dire qu’on est mieux avec le charbon ? Tant qu’à y être, pourquoi on n’utilise pas plus de charbon, si ça bloque les rayons du soleil ?

“Mais parce que les particules de suie du charbon augmentent aussi la pollution ! Pis la pollution cause une augmentation des maladies pulmonaires, et des décès qui en découlent. Qu’est-ce que tu préfères : des millions de morts à cause du réchauffement climatique ou des millions de morts à cause de la pollution ? Pense à la Chine…”

- Ouais, vu sous cet angle-là…

“C’est pour ça qu’il faut réduire au maximum nos émissions de GES, et remplacer nos énergies fossiles par des énergies renouvelables. Pis le gaz naturel n’est pas une énergie renouvelable, ce n’est pas une énergie de substitution au charbon, c’est une énergie fossile qui émet quantité de GES, et qui aggrave le processus de réchauffement climatique qui menace notre santé et notre survie sur terre. Faudra bien qu’on en discute un jour au BAPE.”

En raccrochant le téléphone, je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’au lieu de continuer de discuter au BAPE, il vaudrait peut-être mieux qu’on agisse.

Avant qu’il ne soit trop tard.

Jacques Benoit


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