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L’urgence d’agir pour moins souffrir

Publié le 29 janvier 2019


J’ai passé la journée de samedi avec des représentant·e·s d’une trentaine de groupes qui partagent ensemble une vision du climat en bouleversement, mais pour qui l’urgence de la situation n’est pas égale. C’est normal : on n’a pas toutes et tous les pieds placés au même endroit, nos racines ne sont pas les mêmes, ça teinte nos façons de voir la réalité.

Mais il y avait quand même une volonté de partager ces visions pour les unifier, pour trouver ce qui est commun à toutes et tous, pour ensuite s’engager ensemble dans la lutte commune. Tous pour un, et un pour tous, aurait dit l’autre.

Les discussions furent instructives à plus d’un niveau. Mais à la fin, nous ne sommes pas arrivés à “toutes et tous pour une lutte, et une lutte pour toutes et tous”.

Puis, je suis allé rejoindre un groupe d’ami·e·s qui s’étaient donné rendez-vous pour le match des étoiles de la LNH. J’étais le dernier arrivé, et on m’a asticoté un peu sur mon retard.

- T’étais où ?, a demandé une voix pendant que j’accrochais mon manteau. On t’a attendu, cria un autre, mais on en a quand même débouché quelques-unes en t’attendant !

- Dans une réunion sur le bouleversement climatique, ai-je répondu, la tête encore dans le garde-robe.

- Ah non, pas encore ça ! s’est exclamé Robert. Ma blonde n’arrête pas de s’inquiéter avec ça, de c’temps-ci. Elle m’en parle presque tous les jours.

- Faut dire aussi qu’il ne se passe pas une journée sans une nouvelle là-dessus, dit Marc. Ça aide !

- Ouais, c’est vrai que c’est grave, mais faut pas s’empêcher de dormir quand même, continua Robert.

- Ben moi, dit Richard, j’avoue que je dors mal si j’en entends parler avant d’aller me coucher ! Je n’arrive pas à m’imaginer comment on va pouvoir se sortir de là, pis j’me mets à tourner dans le lit ! Ça me fait peur.

- La pitoune ! s’exclama Geneviève. Pitoune d’un bord, pitoune de l’autre ! Et tout le monde de s’esclaffer.

- Urgence, urgence, y’a-tu si tant urgence que ça ? reprit Robert. Deux ans, dix ans, vingt ans, moi, j’pense qu’on a encore du temps devant nous autres.

- Anyway, relança Geneviève, toi, t’es jamais pressé ! Une chance que t’es pas pompier dans la vie ! Ce qui fit pouffer de rire tout le groupe.

- OK, OK, fit Robert, un peu piqué au vif. Ben expliquez-moi donc, d’abord, pourquoi on parle de crise, d’urgence, mais on a deux ans pour faire ci, pis ensuite on a jusqu’en 2030 pour faire ça, pis encore jusqu’en 2050 pour autre chose… Finalement, on a encore au moins trente ans pour faire ce qu’il faut. Ça fait qu’elle est où, l’urgence ? Elle est où, la crise ?

- Robert, dis-je, prenons un exemple. Mettons que les inondations du printemps dernier, c’était une crise. Les canicules de l’été dernier, même chose. Les tornades de l’automne, pareil. Pis les températures par en haut pis par en bas dans la semaine qu’on vient de passer, encore pareil. Ben ces crises-là sont dues à la même maladie : le réchauffement climatique. Pis cette maladie-là est causée par notre façon de vivre ensemble en société et de répondre à nos besoins. Tu me suis ?

- Oui, oui, pour ça, ça va, je ne suis pas niaiseux, quand même, répondit Robert.

“Pas sûr, moi !”, “Moi non plus !” et “C’est à voir !” fusèrent au travers de rires complices. Je continuai.

- Alors, sachant que notre façon de vivre ensemble cause la maladie et nous rend de plus en plus malades, et que plus nous serons malades, plus cette maladie va causer de crises, et des plus grosses encore, est-ce que selon toi, il y a urgence d’agir ?

- C’est comme un cancer, dit Louise. S’il est au stade 1, c’est ben différent que s’il est de stade 3 ou 4. Pis les traitements vont être ben différents, pis les effets secondaires aussi. Pis si t’attends pour le soigner, ben il va s’aggraver !

- Et chaque fois qu’il s’aggrave, ajoutai-je, le traitement va devenir plus important, avec des effets secondaires aussi plus importants.

- Pis tes chances d’en sortir pis d’en guérir vont être inversement proportionnelles, renchérit Louise. Ça a été comme ça avec mon cancer du sein, il y a cinq ans, quand ma doc l’a découvert. La bonne nouvelle, c’était que c’était un stade 1. On a traité tout de suite. Je n’ose pas penser comment j’aurais réagi si ça avait été un stade 3 ou même 4.

- Moi non plus dit Richard, en lui passant la main dans les cheveux.

Il y eut un moment de silence : on l’aime tous, sa blonde. Et on a tous craint pour elle quand ça lui est tombé dessus.

- Tu vois, Robert, repris-je doucement, on doit agir à la fois sur la maladie, en nous attaquant à ses causes, et nous préparer aux crises qu’elle va entraîner, pour les rendre moins douloureuses, pour qu’on en souffre le moins possible. Là, le réchauffement climatique est à un stade très avancé, pis le climat continue de se réchauffer de plus en plus vite. Le secrétaire général de l’ONU a dit au mois de septembre dernier qu’on avait deux ans pour mettre en place les mesures nécessaires à stopper le réchauffement en 2030 et à inverser son cours. Ça veut dire que malgré tout ce qu’on va faire, le climat va continuer de se réchauffer jusqu’en 2030, avant de prendre le chemin inverse. C’est comme une auto : plus sa vitesse est grande, plus elle prendra de temps à s’arrêter. Pis d’ici là, va falloir nous protéger des effets qu’on va toutes et tous subir, pour en souffrir le moins possible.

- Pis si on dépasse 2030, on risque de le regretter pour très longtemps… si on survit assez longtemps pour ça, ajouta Richard, en caressant toujours les cheveux de sa blonde.

Il y eut encore un silence, un peu plus lourd, cette fois.

Comme si le mot urgence était à s’écrire lentement en gras dans les pensées de chacun·e.

Jacques Benoit


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