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Attac Québec

Chronique de Attac-Québec

par Claude Vaillancourt

Les riches pour l’impôt, faut-il y croire ?

Publié le 7 février 2020


À chaque année, ces chiffres défilent comme un rituel. D’abord le Centre canadien de politiques alternatives nous apprend qu’en quelques heures (toujours moins), les 100 chefs d’entreprise les plus importants ont gagné autant qu’un individu avec le salaire moyen. Puis Oxfam, à l’ouverture du Forum social de Davos, lance de troublantes statistiques sur les inégalités sociales. On nous dit par exemple que maintenant, le 1 % des individus les plus riches possèdent autant que 6,9 milliards de personnes.

Cette croissance des inégalités est exponentielle et rien ne se met en place pour l’arrêter. Mais à force de répéter ces chiffres, les personnes responsables de cette situation commencent à se sentir interpelées.

L’ultra-milliardaire Bill Gates en personne a jugé nécessaire d’intervenir publiquement en faveur des impôts. “Le gouvernement américain ne récolte simplement pas assez d’argent pour remplir ses engagements”, a-t-il affirmé. Il considère à juste titre qu’il n’y a pas de raison de “privilégier la richesse sur le travail”. Ceci nous rappelle un peu la déclaration de son semblable Warren Buffet qui déplorait payer moins d’impôt que sa secrétaire. Mais de la part d’une personne qui a tant soutiré à l’impôt et dérobant des fortunes dans les paradis fiscaux, cela semble pour le moins contradictoire. On attend de lui la suite, une véritable rédemption…

Il n’est pas seul à avoir ces nouvelles revendications. Les Patriotic Millionnaires sont des personnes très riches, organisées en lobby, qui militent pour que les gens comme eux paient davantage d’impôts. “Mon pays a plus d’importance que mon argent”, peut-on lire en gros titre sur leur site Web. Ce groupe juge que les inégalités sociales sont mauvaises pour les affaires, que le marché n’a jamais réussi à apporter un juste équilibre entre les revenus, que les États-Unis nécessitent des investissements publics majeurs et que les plus riches doivent faire une contribution significative.

Nous sommes loin des discours habituels sur la philanthropie et sur les fondations. Une juste redistribution passe par l’État et des impôts équitables pour toutes et tous. On ne peut que souhaiter beaucoup de succès à ces Patriotes, de même qu’à Bill Gates, alors qu’il faudrait au moins commencer par annuler les importantes baisses d’impôt accordées aux riches par Donald Trump.

Mais ces riches tourmentés par leur trop-plein d’argent laissent songeurs. On pense par exemple à Jamie Johnson, héritier de l’empire pharmaceutique Johnson & Johnson, qui a exprimé, dans son documentaire The One Percent, tout son trouble de posséder une fortune monstrueuse sans avoir eu à remuer le petit doigt pour la mériter.

Difficile de ne pas se réjouir de ces bonnes intentions d’individus si aisés, qui tiennent un discours contraire à ce que les gens de leur niveau avancent d’habitude, au point de se considérer eux-mêmes comme des traîtres à leur classe. Nous en attendons les résultats. Et nous ne pouvons encore une fois nous empêcher de penser à l’ampleur de l’évitement fiscal. Que vaudront ces hausses si d’autre part l’argent peut sortir en quantité gigantesque, dans des canaux souterrains ? Mais ne boudons pas notre plaisir : une hausse significative des taxes pour les riches serait un signal important à donner.

Au Canada aussi, certains riches pensent à offrir une meilleure contribution à l’État. Après tout, nous sommes dans un pays où 10 395 Canadiens possèdent à eux seuls 1 053 trillions de dollars ! Dans une lettre ouverte publiée dans The Star, des individus qui se disent dans les 10 %, 1 % et 0,1 % les plus riches déclarent qu’ils ne paient pas leur juste part d’impôt, alors que cet argent est nécessaire pour combattre les changements climatiques. Ne serait-il pas temps de repenser nos impôts autrement, de les rendre plus progressifs, de concevoir des taxes sur la fortune, comme il en existe dans plusieurs pays ?

Que certains parmi plus riches commencent à avoir mauvaise conscience devant les inégalités sociales était peut-être inévitable pour celles et ceux qui font confiance aux bons côtés de la nature humaine. Mais on se demande pourquoi ils ont tant tardé. Jusqu’ici, la folie de l’enrichissement personnel ne semblait plus avoir de limites. Peut-on vraiment penser qu’un bout de chemin, si petit soit-il, ait été fait ? Nous y croirons le jour où les gouvernements adopteront les mesures fermes que nous leur demandons depuis des années… Les statistiques rituelles du mois de janvier sur les inégalités prendront enfin une autre direction.


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