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Attac Québec

Chronique de Attac-Québec

par Claude Vaillancourt

Un grand ménage s’impose en agriculture

Publié le 9 avril 2019


Tout a commencé par le congédiement de l’agronome Louis Robert. Ce geste aussi inadmissible que maladroit a eu au moins le mérite de braquer les projecteurs sur notre ministère de l’Agriculture (MAPAQ). Et ce qu’on a vu est particulièrement dérangeant.

Rappelons que Louis Robert a perdu son emploi pour avoir dénoncé la trop grande place du privé dans la recherche publique sur les pesticides. Une enquête de Radio-Canada, dans le sillon de son congédiement, lui a drôlement donné raison. Nous avons appris que la plupart des agronomes qui informent les agriculteurs sur les pesticides sont liés à des entreprises dans ces domaines et bénéficient en plus d’une ristourne, s’ils parviennent à vendre leurs produits.

Mais le problème est encore plus grave qu’on le croyait. Les lobbyistes se sont infiltrés dans les principaux secteurs de la recherche publique en agriculture, que ce soit les grains, le porc, la production ovine, l’agroenvironnement, le développement durable et les sciences animales.

Partout, le scénario est le même : les administrateurs des centres de recherche viennent majoritairement de l’industrie, les lobbyistes sont présents dans les conseils d’administration, alors que les administrateurs publics se retirent et sont privés de droit de vote.

Ce retrait est justifié, entre autres, par un soi-disant “conflit d’intérêts” entre les responsabilités d’administrateur et l’exercice d’une charge publique. Les représentants de l’industrie n’ont pas de pareils remords, alors que la nécessité d’engendrer d’importants profits entre clairement en conflit avec la volonté de protéger la santé publique. On le voit par les aliments qu’elle nous vend : boissons trop sucrées, produits ultratransformés, aliments arrosés de pesticides, viande d’animaux traités aux hormones et aux antibiotiques, etc.

Le gouvernement de la CAQ a répliqué à ces troublantes découvertes en lançant une commission sur les impacts des pesticides sur la santé. Il faut bien sûr s’en réjouir, mais aussi déplorer qu’au départ, elle ne devait pas se pencher sur une question essentielle, soit l’indépendance des agronomes et de la recherche.

Selon la journaliste de La Presse Ariane Krol, le président de la commission Mathieu Lemay aurait rectifié le tir : il aborderait aussi “l’indépendance de la recherche ainsi que les pratiques de prescription des pesticides par les agronomes liés à l’industrie”. Il faut cependant le croire sur parole, alors que le mandat de la commission est nettement plus restrictif et que la proposition d’adopter cet angle a été battue le 28 mars dernier.

Cette histoire a coïncidé avec la venue à Montréal de Stéphane Horel, auteure de Lobbytomie. Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie. Dans ce véritable livre noir des mauvaises actions des lobbyistes sur la santé, l’essayiste démontre à quel point le savoir scientifique a des incidences directes sur les décisions politiques.

Elle explique comment l’industrie s’est servie de la science pour semer le doute dans le public et chez les décideurs face aux effets nocifs de nombreux produits alimentaires. Les lobbies cherchent par exemple à créer des “controverses”, sur les effets négatifs du sucre ou des pesticides, entre autres. Mais celles-ci sont fabriquées de toute pièce, en soudoyant des scientifiques complaisants. Le doute étant établi, il devient très difficile de règlementer à l’encontre de ces produits.

Voir autant de représentants de l’industrie présents dans des centres de recherches publics est particulièrement inquiétant. Et de constater que notre gouvernement n’a pas la claire intention de s’attaquer à cette difficulté fait craindre le pire. Comment prétendre vouloir régler un problème alors qu’on laisse les loups dans la bergerie ? L’agro-industrie a réussi une forme d’entrisme dans des institutions publiques telle qu’un trotskiste n’aurait pas pu imaginer dans ses rêves les plus fous.

Les enjeux dont il est question sont considérables. Il s’agit de la santé publique, de la qualité de l’environnement, de l’indépendance de la recherche scientifique. Par quel aveuglement dogmatique en est-on venu à croire que des représentants d’entreprises privées en quête de profits pourraient aborder ces questions sans satisfaire avant tout leurs intérêts ? Comment a-t-on pu permettre un tel glissement ?

La commission sur les pesticides lancée par la CAQ est certes un pas en avant. Mais il est impératif de fouiller la question de l’indépendance des institutions publiques devant l’entreprise privée si on a véritablement à coeur la qualité de notre alimentation, de notre milieu de vie et la santé des citoyens et des citoyennes du Québec.


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