Le bilan que personne ne fera…
Publié le 18 octobre 2022
On assiste depuis le 3 octobre à toutes sortes de bilans électoraux : bilans des campagnes, des chef·e·s de parti, des élu·e·s, du vote, etc. Mais le seul bilan que personne ne fera est celui de l’urgence climatique.
La devise du Québec semblant être “J’m’en rappelle pu”, faisons ensemble ce bref bilan factuel et financier des cinq dernières années.
Sur le site du Bureau d’Assurances du Canada (BAC), on peut lire à propos des pluies diluviennes et des inondations des printemps 2017 et 2019 au Québec :
Pour 2018, le BAC écrit “Les conditions météorologiques extrêmes ont causé pour 1,9 milliard $ de dommages assurés”, par des tempêtes de vent, de pluies, de verglas, des inondations et des tornades, principalement en Ontario et au Québec. Le site du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) affiche “Août 2018 : une chaleur sans précédent en 146 ans dans le sud du Québec !” À la mi-août, la Financière agricole avait enregistré 2 080 avis de dommages, comparativement à une moyenne de 376 à pareille date au cours des cinq années précédentes, et pour la même cause : la production de foin et les pâturages touchés par la sécheresse. Et qui a oublié les tornades d’Ottawa et de Gatineau en septembre 2018 ? Sûrement pas les sinistré·e·s qui ont vu leur vie s’envoler en morceaux…
2020 : le MELCC écrit : “Sécheresse record par endroit dans l’extrême sud du Québec pour la séquence mai-juin. […] Le sol était ainsi très sec lorsque s’est déclenché le plus important feu de forêt des 10 dernières années, au nord du Lac Saint-Jean […] Le risque de feu élevé a aussi annulé les traditionnels feux de joie et d’artifice de la Saint-Jean Baptiste, alors que la sécheresse a restreint, en pleine canicule, l’utilisation de l’eau dans plusieurs municipalités.”
2021 : fin juin, après une chaleur accablante, des pluies diluviennes sur les Hautes-Laurentides ont fait des dommages importants à Mont-Tremblant, La Conception, et au secteur de lac Labelle, causant affaissements de terrain et arrachant des chaussées, pendant que dans l’ouest du pays s’installait pour l’été un dôme de chaleur, à 49,6 °C ; puis en novembre ont déferlé 4 rivières atmosphériques inondant la région jusqu’en Alberta. Le 18 janvier dernier, Radio-Canada, citant la Presse canadienne, rapportait des dommages de 2,1 G$ pour 2021, avec, dans l’ordre, “les inondations du 13 novembre en Colombie-Britannique (515 millions $), la tempête de grêle du 2 juillet à Calgary (500 millions $), la tempête de vent du 11 décembre dans l’est du pays (152 millions $), la tempête du 12 janvier dans l’ouest du Canada (134 millions $), et les tempêtes du 22 juillet dans les Prairies (120 millions $).”
2022 : au printemps, un derecho qui n’a duré que 12 heures s’est étendu du sud de l’Ontario jusqu’au Québec et a causé pour 875 M $ en dégâts assurés, dont 155 M $ au Québec, et au moins 70 M $ juste pour Hydro-Québec. Sophie Brochu, PDG d’Hydro, a dit que c’était le pire désastre depuis le verglas.
Tout ça, sans oublier la pandémie de COVID-19 ! Combien ont coûté jusqu’ici ces presque trois années de pandémie en salaires, en soins de santé, en détérioration de nos services publics, en sous-traitance privée, en médicaments et vaccins, en soutien gouvernemental, en emplois perdus et en fermetures d’entreprises, etc., sans compter les décès, les chicanes et déchirures sociales et familiales, la santé mentale ? Ça aurait dû nous servir de “wake-up call”, mais nos gouvernements nous ont plutôt poussés à revenir à la “normale”, c’est-à-dire à consommer au même rythme qui nous avait amenés là où cette pandémie, qui n’est toujours pas terminée, a commencé.
“Oui, mais ça n’a rien à voir avec le climat !”… Ah non ? Le réchauffement climatique permet à des espèces animales de se répandre dans des régions d’où elles étaient auparavant absentes, le climat leur étant désormais favorable. De plus, notre consommation excessive de biens entraîne une surexploitation de la nature, dans des régions de plus en plus reculées, nous mettant ainsi en contact avec des virus dont nous n’avions même pas connaissance, et contre lesquels nous n’avons aucune défense.
Le 10 septembre dernier, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU en visite au Pakistan dévasté par les inondations, avait dénoncé : “Suicide collectif”, “carnage”, “le monde paie pour sa dépendance aux énergies fossiles”.
Et pendant ce temps, que criaient nos politicien·ne·s ?… “Continuons. Votez vrai, vrais enjeux, vraies solutions. Le Québec qui s’assume pour vrai. Changez d’ère. Libres chez nous.” Misère !…
Plus impressionnant encore pendant la courte campagne électorale, ce bilan météo :
Et le 3 octobre, jour des élections ?
Un gouvernement fut élu sous le mantra de la continuité, comme si l’urgence climatique n’existait pas, avec une opposition officielle ou non qui, au final, “continuera” aussi à traiter cette urgence comme si elle n’en était pas une, comme si on avait le temps, en se préparant à 2026 !…
Nous sommes sur le Titanic, nous avons déjà heurté l’iceberg, le naufrage est en cours, mais nous continuons de discuter de ce que nous ferons quand nous serons arrivés à bon port…
On n’a toujours pas compris que nous n’arriverons jamais à destination. Il urge d’organiser le sauvetage du plus grand nombre de passagers possible.
Nous amplifions sans arrêt le réchauffement planétaire.
Comment peut-on croire que la catastrophe climatique, elle, s’arrêtera quatre ans ?
Jacques Benoit
Co-rédacteur du Plan d’urgence climatique de la DUC
Membre de GMob (GroupMobilisation)